Mots-clefs ‘Gustave Flaubert’

Les dessous d’Emma Bovary en ligne

21.10
2009

« Quand mon roman sera fini, dans un an, je t’apporterai mon ms. [manuscrit] complet, par curiosité. Tu verras par quelle mécanique compliquée j’arrive à faire une phrase. »

Lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet (15 avril 1852).

Tous les scénarios, brouillons et manuscrits, courant sur une période allant deseptembre 1851 au mois de mars 1857, qui ont conduit au chef-d’oeuvre deMadame Bovary, sont conservés à la Bibliothèque municipale de Rouen, offerts en 1914 à la ville par la nièce de Flaubert.

Imaginez le nombre de personnes, chercheurs français et étrangers, étudiants ou lecteurs  passionnés (dont je fais partie !) de l’œuvre de Flaubert, frustrés de ne pouvoir y avoir accès si ce n’est en se payant le luxe d’une aller-retour à Rouen.

Grâce à la collaboration du Centre Flaubert (le professeur Yvan Leclerc, Danielle Girard, Nitiwadee Srihong) et de la participation du laboratoire LITIS (ex-PSI, les professeurs Thierry Paquet et Laurent Heutte, Stéphane Nicolas), laBibliothèque municipale de Rouen a ouvert, après 10 années de travail, l’accès de cette collection prestigieuse à toute personne ayant accès à la toile mondiale. Elle a en effet numérisé toutes ses archives, certainement les plus importantes jamais laissées par un écrivain, mettant en évidence le travail d’orfèvre de Gustave Flaubert, raturant sans cesse ses manuscrits, recherchant obstinément le mot juste à l’épreuve du gueuloir.

Dès à présent, ici, vous pouvez lire le roman, avec la possibilité de faire des recherches plein texte, tout en consultant, feuilletant sa genèse, ses brouillons étant désormais en ligne.

http://bovary.univ-rouen.fr

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Le candidat * de Gustave Flaubert (1874)

31.03
2007

Bourgeois dans une petite ville de province, Rousselin attire les amitiés intéressées, noble désargenté, directeur du journal local et autres commerçants. Ces derniers finissent par l’inciter à être candidat à la prochaine élection. La fonction le grise, peu importe qui il est censé représenter, l’important est d’être élu. Il est alors prêt pour cela à changer d’étiquette électorale autant qu’il le faudra, à promettre tout et n’importe quoi, même à vendre sa fille au plus offrant en voix et en fortune, pourvu qu’il soit élu député. ..

Double effet de surprise : la première, après avoir lu ce titre au coeur de l’actualité, Le candidat, associé au nom de Gustave Flaubert ; la seconde, en regardant à deux fois le nom de Flaubert et en se demandant s’il ne s’agirait pas d’un homonyme, car on ne le savait pas auteur de théâtre. Mais il s’agit bien de Gustave Flaubert, l’auteur de Madame Bovary, qui s’est essayé à une pièce du vaudeville, délaissant un peu son épreuve du gueuloir pour épingler avec cynisme les basses manoeuvres mises en branle par le suffrage universel. Cette satire en quatre actes n’a hélas rien perdu de son actualité dans sa critique des promesses électorales et des tractations politiques !

Vous trouverez la critique écrite par Villiers-de-l’Isle-Adam (rien que cela) à la fin de la comédie et ici, et ici Flaubert parlant du Candidat dans sa correspondance.

FLAUBERT, Gustave. – Le candidat. – Marseille : Le Mot et le Reste, 2007. – 125 p.. – (Attitudes). – ISBN : 978-2-915378-36-8 : 13 €..
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L’homme-plume : vingt-six lettres sur la création littéraire ** de Gustave Flaubert

10.10
2006

L’homme-plume, c’est ainsi qu’il se définit au travers de ces vingt-six lettres que je lis et relis sans cesse, un échantillon de 30 années de correspondance entre 1846 et 1876, destinées à Louise Colet, à Maxime Du Camp, à Hippolyte Taine, à George Sand, pour les plus connus. Ces lettres témoignent de ses amours, de ses amitiés, mais surtout deses jugements littéraires et plus encore de son labeur, des affres du style, des corrections qu’il se refuse à faire de sitôt, la réécriture de passages se révélant toujours très difficile, et des irrégularités de son inspiration. Cette correspondance regorge de perles canonisées depuis :

le désintéressement
« Je doute bien souvent si jamais je ferai imprimer une ligne. Sais-tu que ce serait une belle idée que celle du gaillard qui, jusqu’à cinquante ans, n’aurait rien publié et qui, d’un seul coup, ferait paraître, un beau jour, ses oeuvres complètes et s’en tiendrait là ? » (p. 10)
« Je travaille avec un désintéressement absolu et sans arrière-pensée, sans préoccupation ultérieure. » (p. 17)
« Etre connu n’est pas ma principale affaire. » (p. 51)
« Je vise à mieux, me plaire. »

le livre idéal
« Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style (…) » (p. 30)
« (…) plus l’expression se rapproche de la pensée, plus le mot colle dessus et disparaît, plus c’est beau. » (p. 31)
« le style étant à lui tout seul une manière absolue de voir les choses. »

la transe
« C’est une chose délicieuse que d’écrire ! que de ne plus être soi, mais de circuler dans toute la création dont on parle. Aujourd’hui par exemple, homme et femme tout ensemble, amant et maîtresse à la fois, je me suis promené à cheval dans une forêt, par un après-midi d’automne, sous des feuilles jaunes, et j’étais les chevaux, les feuilles, le vent, les paroles qu’ils se disaient et le soleil rouge qui faisait s’entre-fermer leurs paupières noyées d’amour. » (p. 70)

Je m’arrête là, tant j’ai pu souligner de phrases qui résonnaient en moi, ou que j’ai eu plaisir à relire, dans leur contexte, comme de vieilles amies retrouvées. A lire et à relire. Un livre de chevet.