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La fin du monde en trinquant de Krassinsky

21.02
2020

La fin du monde en trinquant1774. Le chancelier NikolaÏ promet à sa maîtresse Irina de recommander son fils malgré son inaptitude à son vieil ami l’astronome Nikita Petrovitch. Ce dernier l’informe alors de l’arrivée imminente d’une comète qui détruira toute une région en  Sibérie. Mais l’impératrice l’envoie lui-même l’annoncer aux habitants, accompagné d’Ivan…

Jean-Paul Krassinsky plante son décor en plein cœur de la Russie, pendant le siècle des Lumières, avec à la fois un net décalage entre la Cour impériale et le repaire des brigands pour lesquels le vieux cochon risque sa peau un peu bêtement à son goût, et entre son savoir et l’inexpérience de son compagnon chien un peu fou. Et, pour mieux se moquer encore des travers humains, il brosse une galerie de portraits de personnages animaliers sur 230 planches pleines de rebondissements, d’humour et de cruauté. C’est presque du Bukowski par moments !

 

KRASSINSKY

La fin du monde en trinquant

Casterman, 2019

229 p. : ill. en coul. ; 27*19 cm

EAN13 9782203161610 : 25 €

The end de Zep

23.08
2018
cop. Rue de Sèvres

cop. Rue de Sèvres

A Santa Cruz de la Séros, dans les Pyrénées espagnoles, trente-deux personnes meurent tout à coup, mystérieusement.

Théodore, jeune activiste écologiste, arrive comme stagiaire à la réserve de Dokesla, en Suède, pour aider le professeur Frawley dans ses recherches sur la communication des arbres avec les humains. Alors qu’il commence tout juste à apprécier le professeur, pionnier de la paléobotanique et fan des Doors, et à avoir une idylle avec Moon, sa collaboratrice, Théodore s’inquiète de la prolifération d’une espèce de champignons inconnue et d’une usine Pharmacop, sponsor de leur programme de recherche. C’est alors que le professeur trouve enfin le Codex Arboris, c’est-à-dire la mémoire de notre planète écrite dans l’ADN d’un arbre frappé par la foudre…

Rien à voir avec le Zep, père de Titeuf et du Guide du zizi sexuel : extrapolant à partir des dernières recherches scientifiques sur les arbres, qui fit l’an dernier de La Vie secrète des arbres un véritable best-seller, Zep imagine ici un scénario apocalyptique faisant songer de loin à Phénomènes, réalisé par M. Night Shyamalan en 2008. Pour ce faire, ses planches monochromes d’ocre, de vert, de bleu, voire de violet ou de rose, nous montrent une autre facette de son talent, avec un dessin plus réaliste. Cet album sonne comme une mise en garde écologiste où la Terre serait capable de programmer des génocides pour se défendre des espèces la menaçant. Dès lors, le lecteur est comme perturbé, les figures de bourreau et de victime s’interchangeant…

Un album mettant en exergue ce qu’un extrémiste écologiste pourrait souhaiter, soit la régulation de l’espèce humaine pour empêcher le dérèglement naturel.

 

Le reste du monde de Jean-Christophe Chauzy

18.03
2015

cop. Casterman / Chauzy

Dernier soir de ce mois d’août passé en montagne : Marie, perturbée par sa rupture toute fraîche avec son mari parti avec une jeunette, confie ses fils Jules et Hugo aux Guérin pour pouvoir ranger et nettoyer son chalet avant le départ. Mais cette nuit-là éclate un orage de montagne extraordinaire, devant lequel fuient les animaux, terrorisés. Lorsque Marie, blessée, redescend au village, elle le trouve dévasté, comptant ses morts. Marie plonge dans une faille sauver ses fils avec l’aide du chien des Guérin. Elle décide ensuite de descendre à Soulan coûte que coûte pour prendre le train, mais arrivés là, la ville semble coupée du monde. Bientôt les vivres commencent à manquer…

Curieux comme cela m’a fait songer au plateau du Vercors et à sa route en lacets de Lans-en- Vercors jusqu’à Grenoble. La ressemblance s’arrêtera, je l’espère, là… Car c’est une vraie histoire de fin du monde que nous raconte là Jean-Christophe Chauzy, de celles où l’instinct de survie fait oublier le reste d’humanité en chacun de nous. Le fil est ténu, prêt à casser pour faire abandonner toute moralité, pour cette mère décidée à survivre avec ses deux fils. Un parfum d’apocalypse dérangeant. A suivre.

 

CHAUZY, Jean-Christophe.

Le reste du monde.

Casterman (Univers d’auteurs ; 2015).

109 p.

EAN13 9782203087415 : 18 €.

La route *** de Cormac McCarthy (2006)

21.02
2008

copyright L'Olivier

Titre original : The Road (USA, 2006)
Prix Pulitzer 2007

Trad. de l’anglais (Etats-Unis) par François Hirsch

« Quand il se réveillait dans les bois dans l’obscurité et le froid de la nuit il tendait la main pour toucher l’enfant qui dormait à son côté. Les nuits obscures au-delà de l’obscur et les jours chaque jour plus gris que celui d’avant. Comme l’assaut d’on ne sait quel glaucome froid assombrissant le monde sous sa taie.«  (incipit).

Ils sont deux, sur cette route, qui traverse une lande cendreuse. Tout ce que l’homme et le petit, un père et son fils, emportent avec eux se trouve dans leur sac à dos et dans le caddie qu’ils poussent vers le sud et la mer. Ils portent un masque qui les protège des cendres, les cendres d’un monde post-apocalyptique, qui a probablement brûlé il y a plusieurs années, depuis la naissance du petit. Aucun signe de vie, ni humaine, ni animale, ni végétale. Ou plutôt si, mais ils paraissent craindre la rencontre d’autres survivants, les « méchants » comme les appelle le petit, d’où le rétroviseur sur le caddie et le révolver :

« Au matin ils verraient s’il y avait des empreintes sur la route ou pas. C’était à part le petit le premier être humain auquel il avait parlé depuis plus d’un an. » (p. 69).

Ce roman possède ce lyrisme particulier aux visions d’apocalypse, propre au sentiment de solitude et de vacuité de l’existence qu’incarne leur protagoniste. Lanostalgie est aussi inhérente à ce type de récit. Ainsi, l’être humain se prend à rêver de ce qu’il a perdu, de l’inutile, du beau, et les souvenirs deviennent autant de légendes : le thème a déjà été maintes fois exploité, ne serait-ce que le roman Je suis une légende de Richard Matheson, dont l’adaptation (très libre) cinématographique a fait récemment l’actualité. J’ai en mémoire un manga lu récemment, Stigma de Kazuya MINEKURA, qui évoquait aussi un jeune homme qui avait pris sous sa protection dans un monde désolé un garçon qui espérait voir un jour un  oiseau et peut-être même un coin de ciel bleu, tout comme le père en rêve encore, pas son enfant, qui n’a jamais connu que le gris, que la désolation. Cormac McCarthy a ancré son récit dans l’universel : causes laissées inexpliquées de l’apocalypse, qu’on ne racontera d’ailleurs jamais, raisons restées obscures de la présence de survivants humains, lieux indéterminés, personnages sans nom.

Et puis, il y a ce qui fait l’originalité de ce roman. Son style d’abord, précis, sobre, glaçant, à l’usage immodéré parfois du « et » au sein d’une même phrase pour justifier son absence de ponctuation. Sa forme : des dialogues sans tiret ni didascalie, des paragraphes désolidarisés, aucun découpage en chapitres. Son thème principal ensuite, qui consiste en cette relation poignante entre un père et son enfant, le second donnant au premier sa seule raison de vivre. Et enfin, cette capacité qu’a l’auteur, sans jamais lasser son lecteur, de tirer son récit tout le long de cette lande cendreuse, résumant son action aux trois besoins vitaux de ses deux « gentils » : trouver à se nourrir et à se protéger du froid, et surtout éviter les autres…

McCARTHY, Cormac. – La route / trad. de l’anglais (Etats-Unis) par François Hirsch. – Editions de l’Olivier, 2008. – 244 p.. – ISBN 978-2-87929-591-6 : 21 €.
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