Mots-clefs ‘exploitation minière’

Souterrains de Romain Baudy

04.10
2017
cop. Casterman

cop. Casterman

 

Lucien n’est pas comme son beau-frère Henri un révolté : il ne perd pas ton temps à faire la révolution au café mais à bêcher son jardin, et, pour obtenir une prime, il n’hésite pas à se porter volontaire pour tester la nouvelle machine achetée par l’exploitation minière. Mais, arrivée en bas, l’équipe de volontaires découvre qu’il s’agit en fait de machine d’un robot bien plus efficace que n’importe quel mineur. Lucien se sert alors de la dynamite que lui a donné Henri pour faire sauter le robot. Mais ce dernier choisit de leur sauver la vie et la sienne : le souterrain s’étant effondré, ils partent à l’aventure et découvre un monde souterrain où des nains font travailler d’étranges créatures…

J’avais déjà salué le premier opus de Romain Baudy, Pacifique. qui surfait déjà sur la vague du fantastique. Pour son second ouvrage, Romain Baudy choisit de tout faire, et le scénario et le dessin, en imaginant une histoire fantastique surprenante, en ce sens que le lecteur pense entamer une critique sociale sur le monde du travail et plus particulièrement dans le milieu des mineurs, puis soupçonne un brin d’anticipation avec l’arrivée du robot et finit par glisser dans un univers proche de l’héroïc fantasy. Voilà qui est périlleux mais audacieux ! Nonobstant une ou deux faiblesses du scénario, c’est plutôt réussi, et c’est même exactement le genre de récit que j’aime à lire et à écrire.

 

BAUDY, Romain

Souterrains

Casterman, 2017

134 p. : ill. en coul.

EAN13 9782203094482 : 20 €

Gueule noire de Lelis & Ozanam

17.09
2015

 

cop. Casterman

cop. Casterman

Arrive le jour où Marcel, fils de mineur, doit à son tour descendre à la fosse. Mais lui ne rêve que de partir à Paris dans l’espoir de sortir de sa condition de forçat. Il saisit sa chance lors d’un coup de grisou qui tue son père, laissant sur place son premier amour. Mais à Paris, il n’y a que du travail de bête de somme qui l’attend, ou les forfaits d’un groupe de révolutionnaires…

Peut-on échapper à sa condition de gueule noire dans la France du début du 20e siècle ? C’est ce que vous découvrirez en lisant cette bande dessinée sur la condition ouvrière en France à cette époque. Le dessin comme le scénario sont noirs de chez noir : on touche le fond du puits de la mine ici !

n.b. : Etant moi-même petite-fille de mineurs, du bassin minier du Pas-de-Calais, je connais bien les conditions de travail des mineurs au 20e siècle. J’ai d’ailleurs écrit un roman sur le même sujet. Il m’est donc très difficile de rester objective à propos de cette lecture dont la noirceur me laisse très partagée.

Antoine Ozanam, Lelis

Gueule noire

Casterman (Univers d’auteurs, 2015)

100 p. : ill. n.b.

EAN 13 9782203043589 : 18 €

La gueuse ** à *** de Jean-Pierre Chabrol (1966)

20.09
2005

Dans les Cévennes, en 1933, à la mine de La Vernasse, de père en fils, on se tue à la tâche, pour faire vivre bon an mal an la famille, et de père en fils, on devient ou socialiste ou communiste, voire anarchiste comme Libertade. Au village de Clerguemort, on montre du doigt la maison Tarrigues, des socialistes, des traîtres, qui sont retournés à la mine plus tôt que les autres. Or Noël Tarrigues, le cadet, aspire en secret à rejoindre les communistes, mais aussi Emmeline, la jolie « bohémienne », qui se trouve être la fille du maître mineur Morrail, qui a épousé une demoiselle noble. Et puis il y a ces deux enfants, Jean Hur, le fils d’instituteurs, qui vient au village voir sa grand-mère avec son père à bord de la belle Mathis toute carrossée de cuir, et le jeune Franck dont les parents sont retenus en Allemagne nazie, qui part rejoindre à Paris son oncle et écrivain Cherchemidi, dont les jours sont mis en danger par l’Affaire de Bayonne, au milieu des manifestations et des barricades.

Ce roman fait partie du cycle des « Rebelles » mais se lit tout aussi bien indépendamment.

Quelle bonne surprise !!! Le thème de la condition des mineurs avait seul retenu mon attention lorsque j’avais emprunté ce roman, et, j’ai découvert un récit directement inspiré par la puissance et le réalisme de Germinal, situé plus d’un demi-siècle plus tard, tantôt au coeur des Cévennes tantôt à Paris, mais toujours au coeur de la révolte qui gronde. Des figures célèbres -Malraux, Léo Lagrange, Guéhenno – émaillent le récit, tandis que le font respirer les amours et amitiés des personnages, jeunes ou moins jeunes. A redécouvrir.

540 p.

Biographie de Jean-Pierre Chabrol

Germinal d’Emile Zola

13.09
2005

1866, dans le Nord. Etienne Lantier, embauché comme herscheur au Voreux, découvre la condition des mineurs s’épuisant au travail, y laissant souvent leur peau, tout cela pour ramener un maigre salaire qui suffit à peine à nourrir toute leur famille. Or, prétextant de boisages bâclés, la Compagnie entend changer ses tarifs, au détriment des mineurs : la colère gronde, et Etienne se retrouve bientôt à la tête de la grève…

Le lendemain de l’écriture, le 2 avril 1884, de sa première page de Germinal, Emile Zola écrivait à un ami peintre, Antoine Guillemet, qu’il s’était « remis au travail, à son grand coquin de roman qui a pour cadre une mine de houille et pour sujet central une grève. »

Car Emile Zola se proposait d’étudier la grève comme la forme extrême des luttes ouvrières, et cela chez les mineurs, là où le travail est le plus pénible et le plus dangereux. Pour ce faire, tout son roman est ici orchestré pour mettre en évidence une criante inégalité sociale, la richesse de quelques-uns, oisifs, face à la misère de tous les autres, travailleurs. Par conséquent, il dénonce l’exploitation d’une classe travaillant et ne possédant rien par l’autre, possédant tout et ne travaillant pas.
En revanche, il insiste aussi sur le caractère versatile et dangereux de la foule, capable de tout et du pire, bercée ici par un idéal politique, que bientôt ne pourra plus canaliser son orateur, Etienne, qui se voyait déjà en héros, gravissant les marches de l’ascenseur politique jusqu’à Paris, et ne valant en cela pas mieux, selon Souvarine l’anarchiste, que les bourgeois.

A la relecture de ce roman, je me suis aperçue me rappeler, depuis le collège, de ses trois temps cruciaux, l’incipit, l’acmé qui, pour moi, constitue la vengeance des femmes sur le commerçant profiteur de leur misère, et la chute, avec cette lente agonie au milieu des cadavres, dans l’eau et le noir, des personnages principaux.
Il est clair que c’est certainement, comme dans mon souvenir, le roman  le plus ouvertement militant de toute la fresque des Rougon-Macquart. Porté par un souffle épique, il soutient le combat de ces ventres affamés, de ceux qui finissent par se révolter parce qu’ils ont trop faim, de ceux qui crient « du pain ! » alors que chez eux, bien au chaud, les bourgeois festoient, comme lors de la chute de la royauté, voulant faire tomber bas le capitalisme qui l’a remplacée. AussiGerminal n’a-t-il hélas rien perdu de sa force ni de son actualité : avec une nette diminution du pouvoir d’achat conjuguée à la suppression des classes moyennes, nous voilà revenus au clivage riches et pauvres ; seulement, la grève n’est même plus comprise par l’autre moitié des Français, PDG, actionnaires, hommes politiques comme médias ayant réussi à diviser pour régner.

Chef-d’oeuvre.

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