Mots-clefs ‘écriture’

Ecrire de Marguerite Duras

25.06
2020

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Qu’a Marguerite Duras à dire sur l’acte d’écrire ? L’autrice évoque ses conditions d’écriture : la solitude, l’isolement le plus total dans une maison qu’elle avait à Trouville-sur-mer. Elle livre aussi ses convictions sur le silence autour de l’œuvre en train de se faire :

« Aux amants, les femmes ne doivent pas faire lire les livres qu’elles font. » (p. 18-19)

« Dans la vie il arrive un moment, et je pense que c’est fatal, auquel on ne peut pas échapper, où tout est mis en doute : le mariage, les amis, surtout les amis du couple. Pas l’enfant. L’enfant n’est jamais mis en doute. Et ce doute grandit autour de soi. Ce doute, il est seul, il est celui de la solitude. Il est né d’elle, de la solitude. (…) Le doute, c’est écrire. Donc c’est l’écrivain, aussi. » (p. 26)

« Écrire c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. (…) Ça ne parle pas beaucoup parce que c’est impossible de parler à quelqu’un d’un livre qu’on a écrit et surtout d’un livre qu’on est en train d’écrire. » (p. 34)

Suivent d’autres textes : La Mort du jeune aviateur anglais, Roma, Le nombre pur, L’exposition de la peinture, qui m’ont moins marquée.

Poétique d’Aristote

20.01
2014

Pour Aristote, tous les arts tendent à l’imitation par le rythme, le langage et la mélodie des CARACTERES (vice ou vertu faisant la différence entre les caractères, entendus comme personnages), des EMOTIONS et des ACTIONS. Avant de se pencher sur l’épopée et tout particulièrement celle d’Homère, il s’intéresse tout particulièrement à la tragédie, dont il analyse les 6 composantes : l’histoire, qui s’entend comme agencement des faits accomplis, imitation d’une action (acte et parole), les caractères (les auteurs conçoivent les caractères au travers des actions), l’expression, la pensée, soit toutes les paroles que les caractères prononcent pour faire une démonstration ou énoncer une maxime, le spectacle et le chant. Partant du constat que ce qui séduit le plus dans les tragédies, ce sont les péripéties et les reconnaissances, il préfère les événements qui suscitent crainte et pitié surtout quand se déroulent contre toute attente, et analyse les différentes possibilités de reconnaissances. Pour être belle, l’histoire doit être simple, et que le retournement se fasse du bonheur vers le malheur causé par une erreur grave du personnage, qui sera bon plutôt que mauvais.

Rédigé aux alentours de – 335 avant JC, premier ouvrage connu dans l’Histoire consacré à la dramaturgie, la Poétique d’Aristote, à la suite du livre X de la République de Platon, présente l’art comme mimesis, comme imitation, mais contrairement à lui en fait l’éloge en tant que source de plaisir esthétique. Il y expose les principes dramaturgiques de la tragédie, mais pas de la comédie, second tome hypothétique qui fera l’objet du roman Le Nom de la Rose d’Umberto Eco (1980).

Atelier d’écriture de Laure d’Astragal

26.04
2013
cop. Larousse

cop. Larousse

Erreur fatale de déformation professionnelle : j’ai cru à tort que ce livre était destiné aux ateliers d’écritures que d’aucuns, légitimés par la publication d’au moins un ouvrage, animent à l’intention d’adultes ou d’élèves en milieu scolaire. Que nenni ! Sachez-le, il s’agit en fait d’un genre de manuel à l’usage d’écrivains en herbe chez eux, à qui l’on va faire appliquer la méthode Coué. Si, si. L’auto-persuasion, il n’y a que ça de vrai ! Vous l’aurez deviné, j’étais on ne peut plus sceptique, mais, passé le premier tiers de l’ouvrage, le propos devient beaucoup plus intéressant, et du coup, on finit par prendre l’auteure – ingénieur et professeur de yoga – plus au sérieux. Les conseils sont judicieux, les exercices efficaces. Plus j’ai progressé dans sa lecture, plus j’ai révisé mon jugement… Un ouvrage que je conseille au final !

D’ASTRAGAL, Laure. – Atelier d’écriture. – Larousse, 2013. – 256 p.. – (Poche). – EAN13 9782035884886 : 5,90 €.

La danse océane ** de Claude Pujade-Renaud (1988)

10.07
2011

copyright Actes Sud

Si vous ne vous êtes encore jamais intéressé à la danse moderne, il est possible que les noms de Doris Humphrey, Charles Weidman, Martha Graham, Ruth Saint Denis, José Limon, Louise Brooks, … entre autres, ne vous disent strictement rien. Et pourtant cela ne diminuera en rien votre plaisir à lire ce roman qui retrace, à travers le destin de Doris Humphrey, célèbre danseuse et chorégraphe américaine des années 30, la carrière de ces pionniers américains de la danse moderne, de 1920 à 1975.

« En danse moderne nous prétendons non vous divertir, comme le fait la danse classique, mais vous troubler et vous instruire. Je voudrais vous amener à vibrer jusque dans votre respiration et vos fibres musculaires. Oui, atteindre en vous une zone viscérale, inconscient peut-être. C’est pourquoi la danse moderne, à l’inverse du ballet traditionnel, rejette le vedettariat et la virtuosité pour la virtuosité. Le caractère démocratique de notre danse se situe à l’opposé de l’élitisme académique. Notre compagnie détient un fonctionnement égalitaire, chacun peut devenir le partenaire de l’autre. Et le sol et l’espace sont aussi pour nous des partenaires. J’aimerais que vous sentiez combien le corps, le mien ou le vôtre, peut se mouvoir en prenant appui sur l’espace comme sur un être vivant, un être aimé oserai-je dire, qui parfois le soutient, parfois le lâche. Ainsi le danseur moderne fait-il naître les formes à partir des variations de l’énergie. Regardez… » (p. 153-154).

Quelle est la part de fiction dans cette « biographie romancée » ? Comment s’autoriser à inventer autour de personnages qui ont réellement existé ? Pourquoi avoir choisi d’écrire un roman centré autour de la rivale de Martha Graham, alors Claude Pujade-Renaud fut son élève, puis elle-même chorégraphe et professeur ? Voilà des questions que nous ne manquerons pas de poser à cette  nouvelliste et romancière, que nous rencontrerons l’an prochain.

Dans cette histoire passionnante, Claude Pujade-Renaud brosse le portrait extraordinaire d’une femme d’exception, Doris Humphrey, qui éprouve beaucoup de difficultés à couper le cordon ombilical avec sa mère comme avec ses professeurs. Fille ou élève, elle préfère oublier son corps de femme, souillé dans une chambre d’hôtel, et avec lui toute sexualité ou maternité, pour mieux dompter son corps de danseuse et s’interroger sur ses créations et sur les méthodes d’apprentissage de ses disciples. Quelles concessions, quels sacrifices sont à faire pour pouvoir créer pleinement ? L’héroïne cite à un moment donné Une chambre à soi de Virginia Woolf, et refuse longtemps mariage et enfants. Sa véritable famille, on le voit, ce sont ceux qui vivent comme elle pour la danse, ce sont ses trois partenaires, Pauline Lawrence, Charles Weidman et José Limon.

Un magnifique roman, vibrant et sensible. Comment ne pas vouloir danser après cela ?

La Danse océane / Claude Pujade-Renaud. - Arles : Actes sud , 1996 .- 382 p.  ; 18 cm .- (Babel  ; 234). – ISBN 2-7427-0912-6.

L’écriture : du premier jet au chef-d’oeuvre de Natalie Goldberg

20.10
2006
Le ridicule du titre aurait dû me pousser à passer mon chemin, mais la curiosité a été plus forte : que pouvait bien contenir ce type d’ouvrage ?
Pas grand’chose si ce n’est le parcours personnel et les lectures de l’auteur de deux essais sur l’écriture, dont celui-ci, qui consacre d’ailleurs sa vie à animer des ateliers d’écriture aux Etats-Unis, ateliers pour lesquels déjà j’étais quelque peu sceptique, sans toutefois les condamner. Me voici à présent une sceptique convaincue ! 

 

L’homme-plume : vingt-six lettres sur la création littéraire ** de Gustave Flaubert

10.10
2006

L’homme-plume, c’est ainsi qu’il se définit au travers de ces vingt-six lettres que je lis et relis sans cesse, un échantillon de 30 années de correspondance entre 1846 et 1876, destinées à Louise Colet, à Maxime Du Camp, à Hippolyte Taine, à George Sand, pour les plus connus. Ces lettres témoignent de ses amours, de ses amitiés, mais surtout deses jugements littéraires et plus encore de son labeur, des affres du style, des corrections qu’il se refuse à faire de sitôt, la réécriture de passages se révélant toujours très difficile, et des irrégularités de son inspiration. Cette correspondance regorge de perles canonisées depuis :

le désintéressement
« Je doute bien souvent si jamais je ferai imprimer une ligne. Sais-tu que ce serait une belle idée que celle du gaillard qui, jusqu’à cinquante ans, n’aurait rien publié et qui, d’un seul coup, ferait paraître, un beau jour, ses oeuvres complètes et s’en tiendrait là ? » (p. 10)
« Je travaille avec un désintéressement absolu et sans arrière-pensée, sans préoccupation ultérieure. » (p. 17)
« Etre connu n’est pas ma principale affaire. » (p. 51)
« Je vise à mieux, me plaire. »

le livre idéal
« Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style (…) » (p. 30)
« (…) plus l’expression se rapproche de la pensée, plus le mot colle dessus et disparaît, plus c’est beau. » (p. 31)
« le style étant à lui tout seul une manière absolue de voir les choses. »

la transe
« C’est une chose délicieuse que d’écrire ! que de ne plus être soi, mais de circuler dans toute la création dont on parle. Aujourd’hui par exemple, homme et femme tout ensemble, amant et maîtresse à la fois, je me suis promené à cheval dans une forêt, par un après-midi d’automne, sous des feuilles jaunes, et j’étais les chevaux, les feuilles, le vent, les paroles qu’ils se disaient et le soleil rouge qui faisait s’entre-fermer leurs paupières noyées d’amour. » (p. 70)

Je m’arrête là, tant j’ai pu souligner de phrases qui résonnaient en moi, ou que j’ai eu plaisir à relire, dans leur contexte, comme de vieilles amies retrouvées. A lire et à relire. Un livre de chevet.