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Introduction aux méthodes critiques pour l’analyse littéraire **

20.09
2005

Voici un ouvrage que j’ai certainement dû lire au cours de mes études de lettres. Exceptionnellement, ce ne sont ni son résumé, ni sa critique que vous trouverez ci-dessous, mais quelques notes personnelles tirées de l’ouvrage. Commençons par :

LA CRITIQUE GENETIQUE, par Pierre-Marc de Biasi

Elle distingue 4 phases :
- la phase pré-rédactionnelle
(idées – recherches – brouillons – plan scénario de 3 pages)

- la phase rédactionnelle (dossiers documentaires préparatoires, brouillons, carnets de travail ou d’enquête)

- la phase pré-éditoriale (relecture)

- la phase éditoriale

Selon Henri Mitterrant dans La Naissance du texte, il existe deux sortes de génétiques littéraires :
- la génétique scénarique ou avant-textuelle qui étudie tous les documents autographes ayant joué un rôle dans la conception et la préparation de l’oeuvre,
- la génétique manuscriptique, ou scripturale, ou textuelle, qui étudie les variations du manuscrit de rédaction.

La critique génétique m’attirait plus qu’aucune autre, en ceci qu’elle mettait en exergue l’acte créateur, fait de recherches, de lectures, d’expériences, de tâtonnements et de sélections.
A part si l’on est thésard ou chercheur, lire Brouillons d’écrivains (ouvrage publié suite à la remarquable exposition de la BNF) ou tout autre oeuvre critique, il me paraissait cependant difficile d’accéder à ces informations avant l’arrivée d’Internet.
Plus encore depuis l’avènement de l’informatique qui annihile quasiment l’état de brouillons, ne gardant aucune trace des hésitations et choix de l’auteur.
En revanche,  la rencontre avec un auteur constitue le moment ou jamais de lui poser ces questions :
- Avant de l’accepter, votre éditeur vous a-t-il demandé de retoucher à votre manuscrit, d’en changer le titre ?
- Avant d’être accepté par l’éditeur, votre roman a dû passer par bien des étapes, depuis l’idée première jusqu’à l’exécution finale. Pouvez-vous nous dévoiler quelques-uns de vos secrets ?
- Quelles démarches avez-vous entreprises pour faire publier votre premier roman ? Dans quel état d’esprit ?
- Ecrivez-vous à la main ou préférez-vous l’écran de votre ordinateur ?
etc…

Appartiennent à cette « famille » de critique : Jean Bellemin-Noël, Gustave Rudler, R. Debray-Genette, H. Mitterrand.

LA CRITIQUE PSYCHANALITIQUE, par Marcelle Marini

L’OEUVRE LITTERAIRE COMME OBJET D’ETUDE DE LA PSYCHANALYSE

FREUD : OEDIPE ROI et HAMMLET
La psychanalyse s’inspire de la littérature et trouve en les pièces de Sophocle et Oedipe – roi et Hamlet de Shakespeare le motif des désirs amoureux et hostiles à l’égard des parents.

Oedipe – roi :
- invariant universel
- Oedipe = figure symbolique du désir infantile que nous avons oublié et qui perdure en nous,
- Oedipe à la fois enquêteur et enquêté, présuppose le double travail de la méconnaissance et de la reconnaissance jusqu’à la vérité foudroyante.

« Freud s’identifie aussi à Sophocle capable d’orchestrer en tragédie, comme lui en théorie, cette aventure de l’homme qui s’interroge sur son être, ses origines et son histoire. »


Hamlet :
L’auteur relit l’interprétation que fait Freud de Hamlet, en proie à un complexe d’Oedipe refoulé, hésitant à venger son père en tuant l’homme qui l’a remplacé auprès de sa mère et conclut :« Ce texte semble offrir tout ce que l’on reproche aujourd’hui à la « psychanalyse appliquée » : étude psychologique des personnages, jugement clinique, interprétation sans lecture précise de l’oeuvre, assimilation de l’auteur au personnage. Et pourtant, les lectures les plus subtiles n’ont pas remis en cause la justesse de cette analyse. » (p. 56)

LACAN ET LA LETTRE VOLEE DE POE
Pour lui, avec la subtilisation puis la réappropriation de la lettre, « l’inconscient fonctionne (comme une machine), selon l’alternance répétitive de la présence et de l’absence du phallus (la lettre). » (p. 60)

Autres exemples d’oeuvres, objets d’études en psychanalyse :
Délices et rêves dans la Gravida de Jensen
Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras

L’auteur finit par poser cette question : « Qui n’a pas tendance à identifier un personnage fictif à une « personne réelle » ? Ou à conclure directement d’une oeuvre à la psychologie de l’écrivain ? »
Suit une présentation des nouvelles orientations proposées par Jean Bellemin-Noël dans L’Inconscient du texte et Julia Kristeva.

Appartiennent à cette « famille » de critique :
- en psychanalyse : Freud, Lacan, Laforgue
- en littérature Jean Bellemin-Noël, Charles Mauron, Julia Kristeva, et à un degré moindre Jean Starobinsky

LA CRITIQUE THEMATIQUE, par Daniel Bergez

= Considérer l’oeuvre comme un tout et y découvrir des constantes.
Jean-Pierre Richard et Georges Poulet tentent de redéfinir un  »être au monde », fondé sur des expériences qui se déploient en figures dans l’oeuvre littéraire.
Jean-Pierre Richard entend situer son « effort de compréhension et de sympathie en une sorte de moment premier de la création littéraire : moment où l’oeuvre naît du silence qui la précède et qui la porte, où elle s’institue à partir d’une expérience humaine. » (Poésie et profondeur)

Georges Poulet : « cogito » des auteurs est d’ordre intellectuel.
Jean-Pierre Richard : appréhension sensuelle et sensible du monde
Appartiennent à cette « famille » de critique : Gaston Bachelard, Georges Poulet,
Jean-Pierre Richard, Albert Béguin, Marcel Raymond, Jean Rousset, Jean Starobinsky

LA SOCIOCRITIQUE, par Pierre Barbéris

La littérature « ne visait plus seulement le vrai et le beau moral plus ou moins transhistorique, mais un vrai et un beau militant, fut-ce sans le savoir. La littérature, diasit Madame de Staël, n’était pas un art mais une arme : pour agir et pour comprendre. »

Dans sa forme comme dans son contenu, la création littéraire ne peut échapper à son contexte historique, si ce n’est en se projetant vers l’avenir, en jetant des formes nouvelles.

Appartiennent à cette « famille » de critique : Germaine de Staël, Chateaubriand, Bonald, Pierre Barbéris, Lucien Goldman, René Girard, Georges Lukacs, Marthe Robert, Jacques Leenhard, Geneviève Mouillaud.

LA CRITIQUE TEXTUELLE, par Gisèle Valency

L’auteur sélectionne des mots, des sons, des phonèmes, au sein des multiples combinaisons possibles de mots dans une phrase.
A une échelle plus large, il structure son oeuvre en fonction de certains schémas, telleLa morphologie du conte de Vladimir Propp.

Appartiennent à cette « famille » de critique : Roland Barthes, Benveniste, Saussure, Genette, Todorov, Jakobson, Maingueneau, Henri Meschonnic (que mon prof de prépa, fervent admirateur, avait invité à intervenir à l’un de nos cours).

Voilà ! Il ne me reste plus qu’à avoir en tête  ces différentes visions du texte pour chacune de mes critiques.