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Zumbi de Jean-Paul Delfino

07.09
2009

Zumbi

Tout bascule lors d’une belle matinée de printemps, quand Semba voit arriver des hommes armés de bâtons de fer et d’acier crachant le tonnerre et la mort. Capturé avec les siens, du moins avec ceux valides, les autres, bébés et vieillards étant assassinés, il part pour un long périple qui le mènera d’Angola au Brésil pour y être vendu comme esclave. Chose incroyable, alors que les nègres sont à l’époque moins considérés que des bêtes, Dona Josefina, sa jeune maîtresse cultivée, découvre et son attirance pour lui et sa conversation. Dès lors, il est partagé entre son désir de cette belle blanche et son rêve de recouvrer la liberté et de rejoindre un jour dans la jungle le plus grand quilombo, habité par des milliers de Nègres évadés, avec pour chef le redoutable Zumbi…

« Ceux qui ne voulaient pas obéir recevaient instantanément trois coups de fouet. Le premier les laissait pantois. Le deuxième leur arrachait un hurlement de douleur. Au troisième, ils devenaient doux et soumis, et le sentiment de leur propre soumission leur emplissait les yeux de larmes muettes. » (p. 51)


Avec Corcovado**** (2005), Dans l’ombre du Condor*** (2006), Samba triste*** (2007), publiés chez Métailié, Jean-Paul Delfino nous avait régalé d’une trilogie sur le Brésil couvrant tout le 20e siècle. Nul doute que l’un des personnages principal de cette trilogie, Zumbi, l’ait été inspiré et lui ai donné envie de nous faire découvrir son ancêtre. Au fil de sa destinée, il nous fait ainsi le récit des innombrables exactions commises au 17e siècle par les Portugais qui, non contents d’avoir dérobé les terres des Indiens, avaient fait venir par milliers à bord de leurs négriers, des Africains pour les réduire en esclavage et les traiter bien pire que leurs bêtes. Avec l’injustice sociale et le racisme, on y retrouve d’autres thèmes chers à l’auteur, comme la liberté, l’amitié, le sexe, l’amour et le plaisir de la bonne chère. Gardant toujours l’intérêt de son lecteur éveillé à la clôture de ses chapitres, cet habile conteur nous plonge très vite dans cette nouvelle histoire d’amours et de haines au Brésil fondée sur une  documentation solide. Ne boudez pas votre plaisir et faites le plein d’émotions en ouvrant ce beau roman d’aventures.

Du même auteur :

Chair de lune ** (2001)

- Corcovado *** (2005)

Dans l’ombre du Condor *** (suite de Corcovado – 2006)

Samba triste *** (fin de la trilogie – 2007)

Nous avons aussi fait sa connaissance ici.

DELFINO, Jean-Paul. – Zumbi. – Paris : Buchet/Chastel, 2009. – 471 p. : couv. ill. en coul.. – ISBN 978-2-283-02397-6 : 23,50 €.

La petite morte de Cornelio Penna

31.05
2009

cop. Métailié

A Menima morta

Dans un Brésil impérial de la fin du 19e siècle, à la fazenda du Grotao, une petite fille est morte, Sinhazinha. Et autour de sa mort, dans cette plantation de café, les angoisses des serviteurs noirs comme de leurs maîtres se cristallisent…

 

Ce roman d’atmosphère, très descriptif, construit à partir d’une absence, reflète la tension de l’époque, où commençaient à sourdre les débats autour de l’abolition de l’esclavage.

 

PENNA, Cornelio. – La petite morte / trad. du portugais (Brésil) par Cécile Tricoire. – Métailié, 2009. – 425 p.. – (Suite brésilienne ; 149). – ISBN 978-2-86424-683-1 : 13 €.

Maria Moura de Rachel de Queiroz

27.05
2009

cop. Métailié

Memorial de Maria Moura

A la mort de sa mère, Maria Moura devrait se retrouver à la tête d’un grand domaine. Mais c’est sans compter sur le machiavélisme de son beau-père ni sur la cupidité de ses cousins. Elle n’hésite alors pas à utiliser les hommes à son service pour tuer les obstacles gênants et pour ensuite partir à leur tête, armée et déterminée…

Rachel de Queiroz brosse là le portrait d’une femme extraordinaire, ayant réellement existé, première femme cangaceiro, dont le destin s’apprente à un véritable roman d’aventures… qui m’a laissée de marbre, mais peut-être pas vous ?

 

QUEIROZ, Rachel de. – Maria Moura / trad. du portugais (Brésil) par Cécile Tricoire. – Métailié, 2009. – 522 p.. – (Suite brésilienne ; 148). – ISBN 978-2-86424-682-4 : 13 €.

Là où les tigres sont chez eux *** de Jean-Marie Blas de Roblès (2008)

23.10
2008

« Roetgen comprit qu’il ne parviendrait jamais à lui décrire une réalité ne valant plus, il s’en apercevait tout à coup avec un sentiment d’amertume et de dépossession, que par son insolence. Sommé de légitimer la civilisation occidentale, et de se justifier par elle, il échouait à isoler une seule curiosité susceptible d’intéresser cet homme. Un homme pour lequel les richesses naturelles de la terre, son ensoleillement, l’influence de la Lune sur tel animal ou telle plante avaient encore valeur et signification ; un être intelligent, sensible, mais vivant dans un monde où la culture devait s’entendre au sens propre, comme un humus, comme un fonds. » (p. 327)

Au Brésil, un correspondant de presse français reçoit un manuscrit rarissime : la biographie d’Anathase Kircher, scientifique célèbre du 17e siècle. Cette lecture et son journal d’annotations vont s’entrelacer avec le destin de sa femme, paléontologue partie en mission dans la forêt amazonienne, qui vient de le quitter, celui de sa fille, complètement paumée, et le sien.

« Curieuse, je dirais… (…). Elle fut mécontente d’elle-même d’avoir pu résumer si cavalièrement l’attitude de la comtesse à son égard. (…). » (p. 338)

Epoustouflant, voici un roman-somme, le roman d’une vie, celui qui peut faire dire à un auteur, que voilà, il peut mourir tranquille, il a enfanté LE roman qui lui tenait à coeur, un pavé de 774 pages en tout petits caractères, que d’aucuns hésiteront à ouvrir, de peur de ne pouvoir le terminer. Grave erreur ! Car Jean-Marie Blas de Roblès y cultive l’art de la narration et parvient à nous tenir en haleine durant tout le récit. Dans ce roman foisonnant, et richement documenté, il entreprend de multiples voies : roman social, roman d’aventures, roman historique, roman libertin, roman d’apprentissage… mais cela reste avant tout un roman de non-apprentissage dans tous les sens du terme, d’individus en quête de nouvelles connaissances qui sont erronnées, ou en quête de leur propre identité, se cherchant sans parvenir à se trouver… Roman qui met en abîme aussi l’intertextualité (superbe passage p. 530-540) ainsi que la fonction première du roman, celle de créer l’illusion de la réalité par la fiction, par le biais

de cette fameuse biographie par exemple.

« (…) que le reflet l’emportait toujours sur l’objet reflété, que

l’anamorphose surpassait en puissance de vérité ce qu’elle avait à première vue distordu et métamorphosé. » (p. 762)

L’auteur se charge de vous en dire plus dans l’interview qu’il a accepté de donner ici.

Un roman INCONTOURNABLE à choisir au milieu des quelques 600 romans de cette rentrée, couronné par le prix FNAC, le prix Jean Giono et le prix Médicis !

BLAS DE ROBLES, Jean-Marie. – Là où les tigres sont chez eux. – Zulma, 2008. – 774 p.. – ISBN 978-2-84304-457-1 : 24,50 €.

Lire les 3 commentaires sur l’ancien blog.

La guerre des anges * de José Eduardo Agualusa (2007)

08.05
2007

Titre original : O ano em que Zumbi tomou o Rio (2002)

Traduit du portuguais (Angola) par Geneviève Leibrich (2007)

La révolte gronde dans les favelas, sur les morros à Rio. Se voyant soudain refuser l’argent sale habituellement donné pour la soudoyer, la police s’est vengé en programmant une expédition punitive, mitraillant une procession religieuse et tuant ces anges noirs qu’étaient les enfants vêtus de blanc. Euclides, journaliste angolais, nain, noir et homosexuel, cherche des réponses à cette société inégalitaire, héritière d’un passé d’esclavage et de discrimination raciale. Il côtoie tour à tour Francisco, un ancien colonel angolais, reconverti en trafiquant d’armes, tourmenté par le souvenir de Florzinha, la fille du gouverneur, et pourchassé par Monte, son tortionnaire, Jararaca, le chef charismatique de l’émeute, dont s’est épris l’artiste Anastacia, et Jacaré, et un rappeur drogué, qui risque de mettre en péril la belle révolution qui se prépare…

Pas d’histoire romancée ici, mais comme des flashes, le portrait de personnages forts qui pourraient être autant de rouages d’une guerre civile à Rio. L’auteur imagine ainsi comment les brésiliens noirs pourraient se tirer du joug de leur esclavage économique et social, émaillant son récit incisif de vers de poètes angolais ou portuguais, et de chants brésiliens. Et c’est un véritable cri de révolte que José Eduardo Agualusa pousse à travers son troisième roman, contre l’intolérance (nain, noir, homosexuel, Euclides en est une triple illustration), contre un racisme historiquement ancré dans les mentalités par le colonialisme, les blancs détenant toujours pouvoir et richesses, les noirs n’ayant d’autres possibilités que de les servir, de les divertir (prostitution, sport professionnel, danse…) ou de devenir trafiquants de drogue.
Un roman politique, brutal, qui nous donne une image forte de l’identité créole du Brésil, tiraillée par sa faim d’égalité sociale.

AGUALUSA, José Eduardo. - La guerre des anges. – Métailié, 2007. – 279 p.. – ISBN : 978-2-86424-601-5 : 20 €.
Service de presse

Samba triste *** de Jean-Paul Delfino (2007)

10.04
2007
Placé sous l’égide de Baden Powell, Samba triste sonne le glas de cette trilogie qui nous a nourri d’aventures et d’ailleurs, de cris d’amour et de révolte : ce dernier volet fait gronder le ventre affamé de ces pivetes que la frange des nantis rêve d’éradiquer, Paulinho le premier, mauvaises graines qu’ils ont eux-mêmes semées en prenant le pouvoir par les armes et les richesses du pays pour les multinationales et eux-mêmes.
En 1972, de retour après une dizaine d’années d’exil, Lucina découvre les favelas, sauve du lynchage Zé Biscate, un adolescent à l’œil désormais crevé, qui, comme tous ces enfants laissés à l’abandon, vole pour survivre. Elle n’aura de cesse alors d’apprendre à les connaître, afin peut-être un jour, contrant la censure, écrire un article, un livre, qui montrerait que les victimes ne sont pas celles que l’on croit. Rares sont ceux en effet qui leur montrent un visage humain ; parmi eux, le jeune prêtre Thomas Fragoso dont s’éprend Lucina, avant que ce dernier ne soit assassiné à son tour par les escadrons de la mort. Sa vie inéluctablement semble toujours se répéter, le bonheur lui être refusé. Or, derrière tout cela manœuvre dans l’ombre Paulinho, chef des services secrets, figure sombre et dépressive, faisant couler le sang pour assouvir la cupidité toujours plus grande des hommes d’affaires, et pour regagner sa Lou…

Fin. Voilà, cette trilogie historique s’achève, avec pour chacun de ses volumes sa spécificité :
Corcovado garde le privilège de la découverte, dans tous les sens du terme, ce souffle d’aventures et d’exotisme qui nous a fait voyager par-delà l’Atlantique pour tomber sous le charme de la musique, des odeurs et des saveurs du Brésil des années 20. A l’instar d’un roman d’apprentissage, il nous faisait suivre les tribulations d’un homme parfois antipathique, orgueilleux, pas toujours recommandable, mais profondément attachant et humain. Dans l’Ombre du Condor, « roman-citoyen » se déroulant dans les années 60, nous faisait frémir de colère et de dégoût en voyant tomber le Brésil sous la dictature militaire afin de servir au mieux les intérêts américains. On y découvrait la tragédie de ces deux adolescents, Paulinho et Lucina, divisés par leurs choix politiques, que l’on retrouve dans ce dernier tome.

Dans la même veine que le second, plus engagé que jamais, Samba triste joue une dernière note douce-amère sur l’histoire de ces deux personnages, et au-delà, sur celle du Brésil, qui ne semble, hélas, pas en avoir tout à fait terminé avec la CIA. A travers cette peur mêlée de haine qu’éprouve la population envers les pivetes, on ne peut s’empêcher de penser à tous ces jeunes de banlieue, issus de l’immigration, qui font ici en France le jeu des discours électoraux, transformant les plus démunis en bouc-émissaires du malaise social et économique, sans en en enrayer les causes profondes.

Un beau roman, à la fois fort et courageux, généreux et pétri de tendresse pour ces jeunes déshérités, mais aussi pour tous ces hommes et toutes ces femmes, ivres de renaître, après avoir été muselés, à une société meilleure, ivres d’une liberté enfin retrouvée.
Du même auteur :

Chair de lune ** (2001)

- Corcovado *** (2005)

Dans l’ombre du Condor *** (suite de Corcovado – 2006)

Zumbi ** (2009)

Et son interview ici.


DELFINO, Jean-Paul. – Samba triste. – Métailié, 2007. – 289 p.. – ISBN : 978-2-86424-615-2 : 18,50 €.
Sortie en librairie le 10 mai.
Voir les 7 commentaires sur l’ancienne version de Carnets de SeL

Dans l’ombre du Condor *** de Jean-Paul Delfino (2006)

23.04
2006

Les deux héros de la construction du Corcovado, Joao Domar et Zumbi, imaginent déjà mariés le fils du premier, Paulinho, vingt ans, jeune journaliste ambitieux, et la fille du second, Lucina, seize ans, tour à tour passionnée par la musique, avec la découverte de la bossa nova, et par la politique, avec celle du Che. Mais Paulinho tombe fou amoureux de Wendy, la fille du secrétaire d’ambassade des Etats-Unis, prêt à tout pour lui offrir la vie facile et luxueuse à laquelle elle a toujours été habituée. Or nous sommes au début des années 60 et les États-Unis s’inquiètent de la soif d’émancipation qui gagne alors l’Amérique du Sud, mauvaise pour son exploitation économique des richesses de ces pays. Sous couvert de lutter contre la fièvre communiste soit-disant bientôt à ses portes, la CIA met alors sur pied le « Plan Condor », qui vise à renverser les démocraties naissantes, afin de les remplacer par des dictatures à la solde de l’Oncle Sam. Le frère de Wendy propose alors à Paulinho un travail qui va le rendre plus riche qu’il ne l’aurait jamais espéré, un travail de délation qui consiste à ficher tous les sympathisants de gauche… dans un premier temps. Or Lucina, devenue une ardente militante, prenant la parole aux assemblées, en fait manifestement partie…

Second volet chronologique de cette gigantesque fresque sur le BrésilDans l’Ombre du condor a su de nouveau nous rendre particulièrement attachants et émouvants ces jeunes héros, le premier, tout comme son père, emporté par ses mauvais choix, aveuglé par son ambition, dans le tourbillon de l’enfer des tortures, la seconde, elle, lui volant haut la main la vedette, si belle, si vivante, si passionnée, si sincère qu’elle incarne à elle seule la face éblouissante de l’adolescence. Ce second volet, se déroulant dans les années 60, au moment de la défaite cuisante des américains dans la baie des cochons, révèle cette période particulièrement sombre de l’histoire du Brésil, les Etats-Unis y installant une dictature faisant basculer le pays dans la désinformation, l’oppression et la terreur, et y faisant régner la censure et la torture. Jean-Paul Delfino clame ici haut et fort sa révolte face à l’ingérence politique et économique des Etats-Unis qui, pour protéger ses intérêts, ferment les yeux sur les tortures, les meurtres et la misère endurés par les latino-américains. Aux longs et beaux passages descriptifs et contemplatifs d’un Brésil haut en couleurs, en odeurs et en saveurs, que le héros découvrait dans le premier volet, ont donc été cette fois privilégiés dialogues et action dans ce contexte politique tourmenté. On voit bien, assez vite, où l’histoire dans l’Histoire va hélas nous mener, mais une fois le roman commencé, on ne peut plus le lâcher, soucieux de voir le destin de ces deux adolescents se jouer devant nous, ému parfois jusqu’aux larmes. A LIRE SANS TARDER.

Du même auteur :

- Chair de lune ** (2001)

- Corcovado *** (premier volet de la trilogie – 2005)

- Samba triste *** (fin de la trilogie – 2007)

- Zumbi ** (2009)

A lire son interview.


DELFINO, Jean-Paul. - Dans l’ombre du Condor. – Métailié, 2006. – 310 p.. – ISBN : 2864245760 : 20 €.