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L’enfant penchée de Schuiten et Peeters

02.05
2020

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Ce 2 septembre 747 après la Tour, la famille de Mary se rend au parc d’attraction d’Alaxis. Mary exaspère ses parents par son tempérament qui détone avec leur sérieux et leur « normalité ». Or elle redescend de l’attraction la plus spectaculaire en restant penchée à 45 degrés ! Envoyée par le médecin de famille dans un internat, dont les professeurs et la directrice la réprimandent sans cesse, harcelée par les autres jeunes pensionnaires, elle s’enfuit. Rejetée de tous, elle finit par se produire dans un cirque, au milieu des autres « freaks », jusqu’au jour où le rédacteur en chef de l’Echo des cités lui parle d’un certain Axel Wappendorf qui pourrait l’aider… Parallèlement, en 1899, sur les Hauts plateaux de l’Aubrac, un peintre, Augustin Desombres, est hanté par des images de fusée et de sphères…

Sixième album de l’univers fascinant des « Cités obscures », L’enfant penchée reste mon coup de cœur, même s’il est l’un des rares à ne pas évoquer l’architecture, notamment « art nouveau » belge. En effet cet album mêle avec brio fantastique et récit d’apprentissage, le dessin réaliste alternant avec le roman photo pour mieux différencier un univers parallèle imaginaire du monde réel. Il me fait songer au poème l’Albatros de Baudelaire, au poète incompris, à l’artiste rejeté, à la personne « hors-norme » maltraitée. Mais chut…. je n’en dirai pas plus : lisez ce chef d’œuvre !

Relecture pour donner MON coup de cœur absolu à Livressedesbulles sur insta

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Comme un chef de Peeters & Aurita

24.01
2018
cop. Casterman

cop. Casterman

 

Ce récit initiatique de Benoit Peeters nous ouvre les portes de son intimité : il nous livre d’abord son enfance où son environnement est peu propice à un éveil au goût, puis son adulescence où il a la révélation en goûtant à l’escalope de saumon à l’oseille des frères Troisgros. Mais c’est grâce à La cuisine gourmande de Michel Guérard que Benoit Peeters commence à cuisiner. S’inspirant de son ouvrage Roland Barthes sur Roland Barthes, Benoit Peeters invite alors à diner l’illustre et le seul directeur de thèse à avoir accepté son sujet sur Hergé, Roland Barthes. Mais pour Barthes et ses amis, la saveur y est, mais pas la quantité ! Benoit publie un roman chez Minuit, et, contre l’avis de ses parents qui lui coupent les vivres, il renonce à tenter Normale Sup ou Sciences-Po. Pour vivre, tout en rédigeant son mémoire sur Tintin, il décide alors de louer ses services comme cuisinier à domicile, où il va de surprise en surprise, comme sa compagne d’ailleurs, future photographe, qui a décidé de faire taxi…

Il nous avait caché ça ! S’il y a une personne encore vivante, dont j’admire le parcours littéraire et artistique, c’est bien Benoit Peeters. Si le terreau familial n’était pas propice à une vocation de gastronome, en revanche, Benoit Peeters a fait des rencontres littéraires et artistiques qui ont pu lui ouvrir la voie : François Schuiten, qui publie déjà chez Métal hurlant, fut un ami d’enfance, Roland Barthes son directeur de thèse, Jérôme Lindon son premier éditeur ! Et voilà qu’il aime la bonne cuisine, a côtoyé les plus grands chefs, et sait cuisiner : mais bon sang, voici un homme à marier ;-)

Trêve de plaisanteries : sous couvert d’une vocation inachevée, Benoit Peeters nous livre ici, en plus d’une autobiographie culinaire, une véritable invitation à l’éducation au goût : la qualité plus que la quantité, quitte à ce que Barthes le trouve un rien ascétique à son goût, ce que, du reste, Benoit Peeters semble avoir mal digéré, une trentaine d’années après.

Ce roman graphique, qui met de la couleur dans les mets et vins, donne bien envie de se remettre aux fourneaux !

 

Peeters, Benoît, Aurita, Aurélia
Comme un chef
Préface de Pierre Gagnaire
Casterman, 2018 (Écritures)

EAN13 9782203146754 : 18,95 €

Revoir Paris : tome 2 de Schuiten et Peeters

25.01
2017

9782203097261Arrivée sur Terre, abandonnant ses congénères âgés, Kârinh taille sa route seule, pour rejoindre Paris. Soupçonnée d’être envoyée en mission cachée par l’Arche, Kârinh finit par être sauvée par Mathias Binger, qui lui ouvre les portes du vieux Paris, musée pour touristes fortunés protégé par un dôme de verre. Kârinh retrouve alors son père…

Ce deuxième et dernier tome de Revoir Paris pêche un peu au niveau du scénario, bien faible par rapport à ce à quoi Benoit Peeters nous avait habitués. On suit les désillusions de Kârinh et la curiosité amoureuse de Mathias, sans creuser ces deus ex machina de dissidents dans la sphère. Mais, heureusement, les dessins réalistes de François Schuiten restent éblouissants. Je ne bouderai pas le plaisir que j’ai tout de même eu à lire ces deux tomes, mais je reste sur ma faim, une fin ouverte d’ailleurs.

SCHUITEN, François, PEETERS, Benoit. – Revoir Paris : tome 2. – Casterman, 2016. – 63 p. : ill. et couv. en coul. ; 32 cm. – (Univers d’auteurs). – EAN13 978-2-203-09726-1 : 17 €.

Lire la bande dessinée de Benoit Peeters

18.08
2016
cop. Champs Flammarion

cop. Champs Flammarion

Benoit Peeters propose ici une lecture initiatique de la bande dessinée, que l’on peut lire d’ailleurs de toutes les manières possibles (politique, sociologique, philosophique, psychanalytique,…) et dans tous les sens possibles. Selon lui, ce qui fait la spécificité de la BD, c’est « la case, le strip, la planche, les relations entre le texte et le dessin, entre le scénario et sa mise en images ». L’auteur de BD a pour seul impératif de devoir « partager la planche en un certain nombre de segments afin de séparer des actions qui dans le récit se succèdent« . Ensuite, « les possibilités d’intervention sur la taille de l’image, assez rares au cinéma, sont ici presque infinies ».

Néanmoins, il touche du doigt l’incomplétude de la case, qui en fait toute la richesse, car la case n’est, somme toute, qu’une « variable dans un ensemble« , un « instant dans une continuité ». En effet, aucune image ne fait bande à part : « la véritable magie de la bande dessinée, c’est entre les images qu’elle opère, dans la tension qui les relie. » Pour Benoit Peeters, les plus grands créateurs de bande dessinée ont toujours réussi à « mettre l’accent à la fois sur les paramètres internes à la case et sur les relations qui les unissent. »

Il critique ainsi l’utilisation conventionnelle de la BD (qui privilégie le récit, comme le gaufrier), ou décorative (BD qui privilégie l’image), et fait l’éloge de son utilisation rhétorique (la case et la planche servent le récit) ou productrice (c’est l’organisation de la planche qui semble dicter le récit).

Une bonne ouverture pédagogique sur le neuvième art.

 

 

Revoir Paris de Schuiten & Peeters

17.12
2014
cop. Casterman

cop. Casterman

Bien qu’elle soit née dans l’Arche, une colonie spatiale regroupant d’anciens Terriens et leurs descendants, Kârinh est obsédée par la ville de Paris, dont elle a une connaissance toute livresque. Sélectionnée pour commander une expédition vers la Terre avec pour tous compagnons quinze vieillards en hibernation, elle entame ce voyage dans l’espace et vers ses racines en se projetant dans le vieux Paris de ses rêves grâce à des stupéfiants…

Oscillant entre un vieux Paris fantasmé rappelant celui des Cités obscures et un étrange univers futuriste où va se dresser le Paris du XXIIe siècle, Schuiten et Peeters nous proposent ici un hommage à la Ville-lumière, à travers les thèmes de l’identité, de l’immigration et de l’écrit comme mémoire fragmentée. Ce premier tome nous laisse sur notre faim. Alors à suivre…

A ne pas manquer leur exposition éponyme jusqu’à mars 2015 à la Cité de l’architecture et du patrimoine.

SCHUITEN, François, PEETERS, Benoit. – Revoir Paris : tome 1. – Casterman, 2014. – 63 p. : ill. et couv. en coul. ; 32 cm. – (Univers d’auteurs). – EAN13 978-2-203-04327-5 : 15 €.

Souvenirs de l’éternel présent : le retour

05.03
2014
cop. Arboris

cop. Arboris

 

Vous est-il déjà arrivé d’acheter un livre que vous aviez déjà, sans précisément vous souvenir que vous l’aviez déjà ?

Par une curieuse coïncidence, c’est ce qui vient de m’arriver avec une bande dessinée au titre particulièrement bien approprié à la situation, Souvenirs de l’éternel présent. Non seulement j’avais déjà en ma possession ce titre de mes auteurs favoris, mais je l’avais aussi déjà chroniqué sur mon blog.

Seule consolation, et elle est de taille : il s’agit d’une édition originale (épuisée) beaucoup plus belle, datant de 1993, au format à l’italienne, qui propose en pleine page des planches superbes, en teinte sépia, commentées en bas. Un objet de toute beauté pour une histoire très étrange, que j’ai relue avec délectation. Finalement, ma mémoire m’a joué un bon tour.

Si vous voulez feuilleter quelques planches, c’est ici.

cop. Schuiten

cop. Schuiten

cop. Arboris

cop. Arboris

 

Souvenirs de l’éternel présent de Schuiten & Peeters (2009)

23.01
2010

Aimé, âgé d’une dizaine d’années, est le dernier enfant de la ville Taxandria, et donc l’unique élève de Monsieur Bonze. Taxandria est une lugubre ville en ruines, la ville de l’Eternel présent, où le temps n’a plus le droit d’être pris en compte, où le passé est devenu tabou, et où toute technologie a été bannie. Un matin, Aimé découvre un livre d’images interdites, lequel raconte comment les scientifiques de Taxandria, poussés par un défi lancé par Irina, la femme du Président, déclenchèrent un cataclysme engloutissant presque toute la région. Depuis, les femmes en sont exclues, et attendent le bon vouloir d’hommes de passage, par-delà le jardin des Délices. Pourquoi n’y a-t-il plus d’enfant ? Pourquoi ses cheveux ne poussent-ils pas ? Qui gouverne Taxandria ? Pourquoi n’a-t-il pas le droit d’aller à Marinum ? Quels secrets lui cache donc Monsieur Bonze ?

Sur fond bleu et ocre se déploie une fois de plus l’univers fantastique propre à la série des Cités obscures, dont chaque volume se lit indépendamment des autres. On y retrouve le dessin précis des mélanges architecturaux de François Schuiten, entre palais corenthiens, décors de Paul Delvaux et maisons du début du siècle, venant souligner les thèmes abordés ici par Benoît Peeters : la critique de la dictature, de la censure, du déni du passé. Une belle bande dessinée, inspirée par les premiers scénari pour un film de Raoul Servais, conçus il y a plus de trente ans. Une histoire onirique à méditer…


SCHUITEN, François, PEETERS, Benoît. – Souvenirs de l’éternel présent. – Casterman, 2009. – 65 p. : ill. en coul. + 13 p. non p.. – (Les cités obscures). – ISBN 978-2-203-02485-4 : 18 €.