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L’homme du lac *** d’Arnaldur Indridason (2008)

07.02
2008

Titre original : Kleifarvatn (Islande, 2004)

Un polar excellentissime, surgi des profondeurs de la Stasi

A la suite d’un tremblement de terre, une faille s’est ouverte au fond du lac de Keifarvatn qui s’y vide peu à peu, découvrant sur son fond asséché un squelette lesté par un émetteur radio russe. Chargés de l’enquête, Erlendur et ses confères suivent deux pistes, l’une sur les disparitions non élucidées ayant eu lieu au cours des années 60, l’autre vers les ambassades des pays alors en guerre froide…

Arnaldur Indridason : retenez bien ce nom, pour qui ne connaîtrait pas encore cet auteur islandais qui a renouvelé le paysage du polar. Car ce quatrième roman surpasse encore les trois premiers qui, déjà, avaient remporté de nombreux prix. Nous retrouvons avec bonheur notre cher Erneldur, toujours obsédé par la disparition de son frère, avec à ses côtés l’apparition de son fils, Sindri Snaer, sa fille Eva Lind demeurant introuvable.

Comme dans La Femme en vert, le roman commence par un squelette retrouvé, des disparitions non élucidées et une affaire vieille de quarante ans, en plein climat de guerre froide. Cela semble d’ailleurs devenir une constante chez lui, qui lui réussit : l’important n’est en effet pas tant le meurtre, ni la victime, ni le meurtrier, mais le filet d’événements socio-historiques qui a conduit au crime. Cette fois-ci, c’est finalement une histoire d’amour que va déterrer Erneldur, commencée et interrompue pour toujours à Leipzig, en Allemagne de l’est, Tomas rentrant brisé en Islande. Car nous voici plongés en pleine guerre froide, où, comme dans le magnifique film La Vie des autres, le protagoniste va lui aussi, on le devine, changer d’attitude : étudiant de vingt ans destiné à un brillant avenir au sein du parti socialiste, arrivant à Leipzig avec la foi inébranlable de sa jeunesse voulant offrir un meilleur avenir pour son pays, il commence par trouver normales la suppression de la liberté d’expression et la pratique des écoutes et de la surveillance réciproque. Puis, les doutes s’insinuent, et d’idéaliste optimiste embrassant la cause d’un régime, il redevient un individu exerçant son esprit critique, capable de sentiments, d’amour, et donc un être terriblement humain… qui sera alors confronté aux rouages impitoyables de la Stasi.

« Quand il quitta l’université, il lui sembla étrange en regardant autour de lui de constater que rien n’avait changé. Les gens se comportaient comme si rien n’était arrivé. Ils marchaient d’un pas pressé sur les trottoirs ou restaient debout à discuter. Son monde à lui venait de s’écrouler et pourtant rien n’avait changé. » (p. 228)

Sans conteste, l’un des meilleurs polars de l’année.

INDRIDASON, Arnaldur. – L’homme du lac / trad. de l’islandais par Eric Boury. – Métailié, 2008. – 348 p.. – (Noir. Bibliothèque nordique). – ISBN 978-2-86424-638-1 : 19 €.

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La voix **d’Arnaldur Indridason (2007)

18.02
2007

Titre original : Röddin (2002)

traduit de l’islandais par Eric Boury (2007)

Un polar profondément amer et révoltant

La voix, celle gravée sur deux vinyles du jeune garçon qu’il fut, qui semblait alors destinée à être écoutée à travers le monde mais avait mué trop tôt, brisant les espoirs de son père, c’est tout ce qui reste désormais de cet homme trouvé poignardé dans sa chambre lugubre au sous-sol de l’hôtel où il travaillait, déguisé en son rôle de père Noël, le sexe protégé par un préservatif couvert de salive. Au fil de cette enquête sur cette gentillesse faite homme que personne, pas même son père ni sa soeur, ne semblait regretter ni même connaître, c’est à son frère de 8 ans perdu dans une terrible tempête de neige que pense le commissaire Erlendur en cette liesse de fêtes de Noël, mais aussi à ce petit garçon hospitalisé pour coups et blessures et à son père refusant de passer aux aveux….

Après La Cité des jarres* et La Femme en vert**, voici le troisième polar que je lis d’Arnadur Indridason qui m’avait habituée à ses atmosphères lugubres et peuplées d’injustices, de violences et de paumés. Noir à souhait, glauque dès l’incipit, ce roman ne déroge pas à la règle et, en plus des problèmes de viol, de drogue et de prostitution qu’il évoque intelligemment, il met cette fois l’accent sur les relations entre père et fils, tantôt conflictuelles, tantôt destructives, mais toujours douloureuses. Sous ses apparences d’histoires entrecroisées de maltraitance, de pédophilie et d’intolérance, ce polar psychologique nous donne de magistrales leçons de vie… Un polar comme seuls je les aime, profondément amer et révoltant.

INDRIDASON, Analdur. – La voix / trad. de l’islandais par Eric Boury. – Métailié, 2007. - 329 p.. - ISBN : 978-2-86424-600-8 : 19 €.
Service de presse

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La Femme en vert ** d’Arnaldur Indridason (2006)

04.01
2006

Quelle n’est pas la surprise d’une mère lorsqu’un étudiant en médecine, venu récupérer son petit frère, lui apprend que son bébé est tout bonnement en train de mâchouiller un os humain ! Lequel en définitive s’avère appartenir à un squelette enterré soixante ans auparavant, mis à jour par un chantier de cette banlieue de Reykjavik en pleine expansion. Il n’en fallait pas davantage pour piquer la curiosité du commissaire Erlendur même si, le même jour, il reçoit un appel au secours vite interrompue de sa fille junkie enceinte, qu’il retrouve plongée dans le coma, et à laquelle il livrera peu à peu de douloureux souvenirs. Parallèlement à l’enquête, un récit se déploie, intense et douloureux, celui d’une femme qui, d’abord seule avec sa fille handicapée, puis avec ses deux autres fils, devient la victime d’un mari violent qui la bat, l’insulte et la menace de tuer ses enfants…

Dès les premières pages, on ne peut plus quitter cette nouvelle enquête du commissaire Erlendur et de ses deux adjoints Elinborg et Sigurdur Oli, tant le récit tragique de cette famille, dont l’auteur nous brosse le portrait psychologique de chaque membre, nous empoigne et nous maintient en haleine jusqu’au dénouement. Me voilà réconciliée avec les romans policiers !

INDRIDASON, Arnaldur. - La Femme en vert / trad. de l’islandais par Eric Boury. – Métailié, 2006. – 296 p.. – ISBN : 2-86424-566-3 : 18 €.
Service de presse

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La Cité des Jarres * d’Arnaldur Indridason (2005)

12.11
2005

Un vieil homme est retrouvé assassiné chez lui. Son meurtrier a laissé derrière lui un étrange message griffonné qui commence par rendre perplexe l’inspecteur Erlendur avant de l’inciter à suivre la piste d’une ancienne photo retrouvée coincée dans le bureau du défunt, celle de la tombe d’une enfant de quatre ans. Au fil de son enquête, Erlendur exhume et rassemble le puzzle de tragédies vieilles de quarante ans : la victime n’est plus celle que l’on croit, mais toutes celles qui ont pu croiser le chemin de ce vieillard amateur d’immondes films pornographiques…

Roman noir à l’atmosphère désenchantée obsédante, La Cité des Jarres transporte son lecteur sous le ciel gris d’un décor islandais, aux relents d’odeurs d’égoûts et de crimes impunis. Admirablement orchestré, ce roman d’investigation islandais fait osciller le lecteur entre les soucis personnels d’Erlendur en conflit avec sa fille droguée, la fugue énigmatique d’une jeune mariée, la souffrance de victimes de viols que la société sinon elles-mêmes culpabilise, ou encore celle de perdre un enfant. Un polar efficace, évoquant avec finesse des sujets sensibles que bien peu se risquent à traiter sans tomber dans le pathos.

INDRIDASON, Arnaldur. – La Cité des Jarres / trad. de l’islandais par Eric Boury. – Paris : Éd. Métailié, 2005. – 286 p. ; 22 cm. – (Bibliothèque nordique). – ISBN 2-86424-524-8 : 18 €.

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