Mercredi 17 octobre 2012, la librairie Les Temps modernes d’Orléans accueillait François Bon, à l’occasion de la parution de son Autobiographie des objets.
Exit l’habituelle table qui sépare l’écrivain de son public.
Exit la posture d’un auteur habitué à ce genre de rendez-vous.
Exit le livre à la main pour lire à voix haute quelques extraits.
D’emblée, l’auteur nous avoue que ce genre de rencontre le met mal à l’aise, qu’il se souvient de sa première venue à la librairie, et de ce face à face intimidant du premier étage. Et, quand il obéit à l’invite de notre libraire à lire quelques extraits, c’est son i-pad qu’il dégaine, avant de saisir peu après son macbook air.
Il se dit peu bavard, avare de ses mots en public : c’est tout le contraire qui va se produire. Nulle question de réelle interview cette fois : l’auteur saute d’une idée à une autre, y revient, repart, et, finalement, peu de questions lui seront posées. Mais s’il fallait trouver une trame à son discours, voici celles qui auraient pu lui être posées :
D’où vous est venue l’idée d’écrire ce livre ?
J’ai écrit mon premier texte après un cours de science-po. Je voyais tous ces portables que ces étudiants avaient en leur possession, dont ils connaissaient la possibilité de stockage d’images, par exemple, mais auxquels ils étaient peu attachés, ces objets de toute dernière technologie étant très vite périssables.
Et puis, avant, on visualisait qui les avait fabriqués, ces objets.
Je l’ai écrit aussi dans la suite logique de Après le livre, qui évoquait les six mutations irréversibles du support et des professions liées à l’écrit.
Et enfin, je l’ai écrit car ma mère commence à perdre la mémoire et à accepter l’idée de partir en maison de retraite, et c’est elle qui m’a aidé à dater l’apparition de tous ces objets dans ma vie, à se souvenir si la machine à laver était apparue avant le réfrigérateur à la maison, si c’était pendant la guerre d’Algérie.
Quels modèles vous ont inspiré ? Pérec ?
Je me situe dans la lignée de Ponge surtout (années 40), de Pérec aussi avec Les Choses qui a suivi sa voie en 1965, et puis de L’Invention du quotidien de Michel de Certeau.
J’ignorais complètement que Philippe Claudel allait publier aussi 63 textes autobiographiques (mon ouvrage en compte 64 !) mais en partant des odeurs et non des objets. Et que tous deux nous aurions un texte intitulé Ether. Si je l’avais su six mois avant, peut-être ne l’aurais-je pas écrit.
Votre démarche n’est-elle pas empreinte de la nostalgie d’un monde disparu ?
Absolument pas. Il ne faut pas me prêter de mélancolie latente, ou une volonté de reconstitution passéiste. Je me sens plutôt proche de Pierre Michon et de Pierre Bergougnioux.
Non, non, il existe une violence des mutations technologiques. C’est une interrogation sur ce présent sismique.
Dans ces textes, il y a une relation entre l’imaginaire et le support matériel. Je pense qu’il y a une ambivalence en tension entre les souvenirs et les résultats de mon enquête sur les objets (les photos sur ebay, les discussions sur les forums,…).
Vous écrivez : « Le monde des objets s’est clos. Le livre qui va vers eux ne cherche pas à les faire revivre. Il est la marche vers ce qui, en leur temps, permettait de les traverser. «
Oui, ce faisant, je ne cherche pas à faire revivre ces objets mais à les resituer dans l’Histoire.
Tags: écrivain, François Bon, rencontre
J’avais suivi un stage d’écriture avec lui, c’était génial. Et j’ai son roman dans ma vertigineuse PAL (son tour arrive bientôt, d’ailleurs !)
Je l’ai acheté aussi, mais aurai-je le temps de le lire d’ici le grand événement ? Cela, c’est un autre challenge.